« On devrait l’essayer quelques jours. Tenter l’expérience. »

« Tu serais bien entourée. »

« Tu vivras dans un environnement de rêve. C’est comme un château. »

La graine était semée. J’arrosais. Je mettais de l’engrais. Je voulais faire germer l’idée de déménager dans une résidence. Privée. Une maison en pierres, des géraniums au parterre, des chaises en demi-cercle sur le balcon. Une salle à manger avec des nappes, des serviettes de table, des planchers de bois. Une porte d’entrée avec un code de sécurité. « Sécurité », le mot clé.

La propriétaire, un ange, avait remarqué le foulard mauve de Marcelle, sa chemise rose, ses mains agiles –incapables de résister à l’appel d’une feuille fanée qu’il faut couper, pour aider le géranium à mieux pousser. L’ange souriant avait demandé à maman, avec sa voix de soie, « Êtes-vous une artiste? » Maman a ri.

La rencontre m’a convaincue. Il fallait plaider ma cause auprès de l’ange – « Prendrez-vous ma mère comme pensionnaire? » Elle a hésité. Elle savait comment la maladie d’Alzheimer évolue. Elle s’était peut-être juré « plus jamais ». J’ai retenu mon souffle. L’ange a succombé au charme de Marcelle, elle a accepté de s’engager.

Restait à guider maman vers la chambre à lit simple, une commode, une tablette.

Le matin du jour-J je reprends la ritournelle. J’essaie que ça sonne comme une berceuse. Que ça réconforte. « Environnement de rêve. » « Château. » « Bien entourée. »