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Ma mère a l’Alzheimer

Garder la tête hors de l’eau

Mois / juin 2017

Freins et petites phrases

rapport grandmamanlien

Quand je redescends en skate, je mets un pied à terre pour pouvoir me freiner, je ne sais pas trop de quoi j’ai l’air, mais je pense que ça fait rire bien des passants. C’est mieux qu’en patin en tout cas, une fois, avant que je me mette à écrire les rapports, j’avais essayé de descendre sur mes rollers. Pour freiner je devais me lancer sur le
gazon, et j’avais dû gueuler à des étudiants de se pousser de ma trajectoire, ne sachant pas freiner avec beaucoup de grâce, et voilà, je m’étais étalée dans le gazon.

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Une plainte

Je mets sur papier ma fureur. Puis, j’élague. J’enlève les adjectifs et les adverbes. J’essaie de trouver le bon ton pour formuler une plainte à la commissaire aux plaintes du Centre de jour. Je fais appel à la science, à ce qu’on sait de la progression de la maladie d’Alzheimer, à ce qu’il faut faire pour la ralentir. En bref : les services sociaux ne devraient pas couper les heures de stimulation de Marcelle. Ni des autres bénéficiaires/clients/personnes atteintes de démences/amis/patients.

Rejet de la plainte.

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Militance aux oubliettes

« Tout le monde dehors! » Elle nous envoyait jouer. Elle accaparait la table basse, le téléphone. Elle était occupée. Pas payée. Elle militait. Pour un Québec meilleur. Plus juste.

Arrivée à un moment où elle a besoin d’aide, on dirait que tout ce qu’elle a contribué à créer s’effondre. Mesquinerie, comptage administratif, cases à remplir, heures fractionnées. Elle ne cadre nulle part dans ce monde de chipotage paperassier.

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Gentil garçon

rapport grandmamalien

Il n’y a toujours pas le deuxième escalier roulant qui fonctionne à Jean-Talon, et ce matin l’autre était en panne.
C’est plutôt étrange en descendre un arrêté. Les marches sont plus hautes que normal et j’ai vu une dame en talon les descendre. Une véritable prouesse qui m’a marquée.

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« Réorganisation des services »

Le Centre de jour m’explique qu’il procède à une réorganisation de services (se méfier de cette expression). Marcelle aura accès au Centre une fois par semaine, plutôt que deux. Trop de demandes, trop de besoins, pas assez de.

Je plaide. Je fais la roue. Je me plie en arc vers l’arrière. J’utilise tout mon pouvoir de persuasion. « L’importance de la stimulation pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ». « L’âge de Marcelle. Elle est très jeune. » « Conserver ses acquis. » « Sa bonne forme physique. »

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Abribus et repas

rapport granmamanlien

Dans le métro il y avait un homme qui jouait une sorte de flûte métallique. Si jamais quelqu’un songe à partir un band, il trouverait profusion d’artistes doués dans le métro. Ils sont épatants. Et dans l’autobus il y avait un enfant microscopique qui toussait creux comme un homme adulte. Il y avait aussi une chanson que j’aime beaucoup qui
passait à la radio.

Quand je suis débarquée, l’abri d’autobus avait une vitre partie en mille morceaux. Je sais que c’est dur à croire, mais je connais quelqu’un qui a déjà causé la mort d’une de ces vitres et c’est drôlement solide. Je n’ai aucune idée comment celle-là a été brisée.

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Rire

Le médecin administre sa routine de tests. Il a demandé à Marcelle de retenir une couleur. Quelques minutes plus tard il lui demande quelle était la couleur à retenir? … silence. Il lui dit, « bleu. La couleur bleue. » Elle rétorque, « De toute façon, j’aime pas ça le bleu. »

Le médecin poursuit, « Est-ce que vous avez des pertes de mémoire? » Elle le regarde, lève les sourcils, dit, « J’oublie, mais j’oublie que j’oublie. »

Nous feuilletons une revue de mode. Sur la couverture, une femme portant un tee shirt neuf, savamment troué. « Hon. Elle a des bouffées de chaleur? »

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Discussion

rapport grandmamalien

Le matin, il y a l’autobus le 51 qui passe, et quand je prends le bon, c’est bourré d’enfant. Il y en a qui vont au secondaire et d’autres qui vont au primaire et ils sont absolument minuscules. Je crois vraiment qu’il y en a qui sont en maternelle. Je les trouve absolument géniaux de prendre le bus comme ça.

Et puis je ne trouvais pas ma carte opus et j’ai cru que je l’avais perdue. C’est incroyable la vitesse à laquelle la panique monte; la carte opus c’est tout. Pas moyen de s’en retourner à la maison, ou d’aller à l’école ou travailler. Et pas de cellulaire pour lancer un appel à l’aide, la carte opus c’est le monde.

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