Tapis bruns, murs jaunis, manque d’oxygène, mobilier de fortune. Ça m’est égal. Je ne manque pas une rencontre. Dans l’ouest de la ville. Une heure à vélo pour s’y rendre. Au retour je mets plus de soixante minutes. J’ai les yeux gonflés. Il fait noir.

Les proches aidants sont surtout des femmes. Il faudrait féminiser l’expression. Quelques hommes assistent aux réunions. Des types terre à terre qui aident les proches aidantes à élaguer leurs exigences. Les monsieurs veulent « un toit sur la tête et un environnement sûr » pour leurs parents; les dames cherchent en plus « des activités pour désennuyer » les personnes atteintes et maintenir leur cerveau alerte, elles s’inquiètent de la composition des repas, de l’ambiance, des émotions, de la formation du personnel, etc.

L’animateur, un travailleur social dans la vraie vie, captive l’auditoire avec ses informations vitales, capitales. « Maintenir les habitudes et les repères des personnes atteintes ». « Éviter de rappeler ‘Elle est morte depuis deux ans’ au mari qui attend sa femme. Il va revivre un deuil chaque fois. Plutôt lui dire, ‘Elle arrive bientôt’. »

L’animateur insiste. Il faut prendre soin de soi aussi : se garder des moments pour décompresser, se faire plaisir. Le conseil laisse les proches aidants perplexes. Où trouver le temps pour l’agrément?! Il doit donner un exemple : « S’arrêter, boire un bon café pendant vos courses pour votre parent atteint ».

Rond dans son corps, rond dans ses manières, mais pas de réponse enrobée. Il met vite fin aux errances d’un participant qui cherche une explication ésotérique à la maladie. Merci.

Assis côte à côte, à ramer à contre-courant, vers un naufrage assuré. La vaillance des personnes qui m’entourent, leur humilité. Leur reconnaissance d’avoir un lieu où échanger. Mais aussi leur épuisement, leur découragement, leur désespoir, leur impuissance, leur absolue défaite.