Ses messages commencent toujours par « c’est C, de la résidence. Ne vous inquiétez pas, tout va bien. »

Pourquoi s’occuper de personnes âgées? « Ma mère l’a fait avant moi. J’avais choisi autre chose, je faisais beaucoup d’argent. Mais ce qui me rendait heureuse, c’était d’aller voir les vieux chez ma mère, me rendre utile. Changer le bracelet de montre d’une dame, par exemple. Ça leur fait tellement plaisir. Leur reconnaissance est une meilleure paye que l’argent. »

C ne répond pas vite aux questions. Elle étudie son interlocuteur. Elle le passe au rayon-X de sa sensibilité. Elle sourit et scanne. Puis, elle répond. À la question, et, à son diagnostic. Elle détecte l’anxiété, l’état d’alerte, le qui-vive, le nerf à vif. C’est pour ça que l’amorce de toutes ses interventions est la rassurance, le tranquillisant. « Ne vous inquiétez pas, tout va bien. »

Son bureau minuscule, il faut se tortiller pour s’asseoir. Pour signer le bail, on pose le document sur une des piles de papier. La signature suit les contours des documents dessous. Elle a plusieurs pense-bêtes épars. Pendant qu’elle cherche ses notes, son calme crée l’accalmie de l’autre côté du bureau. Peut-être que c’est fait exprès? Elle apaise en fouillant dans ses factures-messages-bordereaux-écrits-journaux. Tout en scrutant, encore, son vis-à-vis. « Ça va? », demande-t-elle. Et ça fait l’effet d’un baume.

Je l’ai vue arriver avec sa camionnette remplie de sacs d’épicerie. Sûr qu’il y avait de la crème glacée dans ses paquets, dessert prisé de ses pensionnaires. Toute tournée vers la visite, elle a laissé la porte coulissante de la camionnette ouverte, la commande en place, sans se soucier de la batterie qui se déchargeait et de la crème qui fondait. Elle privilégiait la conversation et l’échange, ils primaient sur les soucis pratiques.

Un autre jour, elle avait les bras chargés de manteaux d’hommes, de femmes, d’enfants. Elle les rangeait dans sa camionnette, se préparant à les livrer à un organisme de charité. Essoufflée, affairée, elle m’a expliquée, « C’est pour les réfugiés. L’hiver s’en vient, ils vont en avoir besoin. J’ai fait le tour des garde-robes de ma famille. Il y a tant de vêtements qu’on porte peu ou jamais. »

Lui confier Marcelle, ça ‘été comme entrer frigorifié dans une salle aux planchers chauffants. S’étendre les bras en croix sur les dalles au sol et laisser la chaleur faire son chemin. On lui a dit merci souvent. Le plus qu’on a pu.