Cette onomatopée que Marcelle formait. Quand elle entrevoyait les ravages de la maladie. Un mélange de bof! et de moue sonore. Le lâcher-prise de la capitulation obligée.
Sachant que l’Alzheimer allait gagner, ma mère réagissait avec un haussement d’épaule sonore. Quand, par exemple, elle s’apercevait que l’eau coulait. Quand avait-elle ouvert le robinet? Hmpf.
Elle se tournait vers la lumière, vers ses plantes, vers ce qu’elle aimait.
Elle n’a pas montré son désespoir. Sauf une fois. Elle pleurait. Elle a dit, « j’aimerais mieux que ce ne soit pas là [cette maladie, dans mon cerveau] ». Ne pas prononcer le mot.
On a très peu parlé de l’Alzheimer. Imprononçable.
On a plutôt passé du temps ensemble. À chercher la légèreté. Prendre une bière sur le balcon. Rigoler. « S’ils installent un ascenseur à l’Oratoire, comment les gens pourront-ils se faire exaucer, ou pardonner, s’ils ne grimpent pas les marches à genoux ?! » -« Ils se mettront sur les genoux dans l’ascenseur?! »
Quand nous cuisinions aussi, elle n’émettait pas le son de la déroute-renoncement. Juste sa respiration, pulsation de l’entrain tranquille. Brasser, touiller, assaisonner. Des gestes sûrs. Imprégnés dans son corps. Belles mains précises, battant le rythme de la ratatouille du jour.
Merci pour tout ce que tu fais pour elle.