À première vue, on dirait que le centre hospitalier consacre toute son énergie à combattre une infection. Tous les visiteurs doivent porter masque, pantoufles, combinaisons, gants. Les gardiens de sécurité talonnent tout ce qui bouge et qui ne porte pas un uniforme.

Ne pas rester sur cette première impression. Car ce qu’on finit par comprendre, puis, voir, c’est qu’en parallèle à cette gestion de crise, un groupe d’experts se mobilise pour chaque lit.

Les soins primaires, primates, mammifèresques, sont assurés. Marcelle est hydratée. Propre. Mais pas seulement. Quelqu’un passe en revue les médicaments qu’elle absorbe au quotidien. Une investigation qui met en lumière le superflu et le nuisible. Le pilulier rapetisse. Quelqu’un d’autre se concentre sur les repas. Qu’est-ce que Marcelle peut manger, sous quelle forme, à quel rythme, quelles combinaisons recommander. Une autre personne s’intéresse aux membres : qu’est-ce que Marcelle peut bouger, de quelle façon elle se meut, perd-t-elle l’équilibre quand elle change de direction. Une autre vérifie l’état cognitif : qu’est-ce qui reste en capital de cerveau, comment l’investir au mieux.

C’est comme si Marcelle était passée au tamis. On la brasse –doucement- pour faire décoller ce qui l’alourdit ou la ralentit. On se retrouve avec une femme alerte et solide physiquement, gaie, capable de prendre de nouvelles habitudes en dépit de la démence qui la ronge.

Des savants ont mis leurs connaissances au service de Marcelle. Ils l’ont fait comme si c’était leur unique mission, comme si c’était ça leur raison d’être. Comme des capitaines qui gardent les yeux rivés sur leur cap, refusant de laisser leur navire être détourné par une infection ou des conditions de travail chaotiques. Ils ont tatoué Marcelle avec de l’encre faite d’engagement, de virtuosité, d’humilité.