La responsable des loisirs veut me montrer comment. Comment elle parle à Marcelle, comment elle interagit. Peut-être parce qu’elle voit quelqu’un de figé ?

Mais la responsable interprète mal l’immobilité ou l’inertie: ce n’est pas parce que je ne sais pas quoi faire ni quoi dire. C’est parce que j’attends que la responsable des loisirs s’éloigne. Que je puisse parler à Marcelle à l’abri de ses oreilles. J’ai besoin d’intimité, dans ce lieu vibrant où chaque pouce carré est marqué par les sons d’hôpital, les échos de gestion ou de stimulation.

Je cherche un lieu tranquille. J’essaie la chapelle. La grande salle au rez-de-chaussée. La pelouse devant le CHSLD. Je crois avoir trouvé.

Je caresse les cheveux de Marcelle, je lui susurre des mots doux. Je lui raconte des histoires pour la distraire. Je lui prends la main. Je lui répète que je l’aime. Magma de confidences familières, libres, éclatées. Chaleur privée. Que nous reste-t-il d’autre à créer, avec les matériaux dont nous disposons ? L’Alzheimer permet peu d’échanges. Il faut construire un rituel avec des fragments d’âme. On fait du mieux qu’on peut.

Je lève la tête pour reprendre mon souffle. Une préposée attendrie me sourit. Depuis combien de temps observe-t-elle ma conférence avec Marcelle ? La magie s’estompe. Il faudra reprendre un autre jour, une autre fois.

Dans la chambre, c’est la voisine de lit qui me répond quand je parle à Marcelle.

La voisine réclame mon attention. Elle me demande où est sa mère.

Je lui dis qu’elle s’en vient bientôt.