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Ma mère a l’Alzheimer

Garder la tête hors de l’eau

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Notes

Centre de jour ou pas, stimulation ou pas, les pertes cognitives s’accumulent. Après quatre années de navigation en eau calme, en résidence privée, sous la supervision de C, des signaux de tempête en formation crèvent le cœur.

Les notes de l’époque :

– Depuis son diagnostic de maladie d’Alzheimer, il y a bientôt six ans, Marcelle perdait deux points chaque année (sur 30 points) au test annuel. Le mercredi 10 novembre dernier, elle a perdu 13 points. Une chute spectaculaire.

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Une plainte

Je mets sur papier ma fureur. Puis, j’élague. J’enlève les adjectifs et les adverbes. J’essaie de trouver le bon ton pour formuler une plainte à la commissaire aux plaintes du Centre de jour. Je fais appel à la science, à ce qu’on sait de la progression de la maladie d’Alzheimer, à ce qu’il faut faire pour la ralentir. En bref : les services sociaux ne devraient pas couper les heures de stimulation de Marcelle. Ni des autres bénéficiaires/clients/personnes atteintes de démences/amis/patients.

Rejet de la plainte.

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Militance aux oubliettes

« Tout le monde dehors! » Elle nous envoyait jouer. Elle accaparait la table basse, le téléphone. Elle était occupée. Pas payée. Elle militait. Pour un Québec meilleur. Plus juste.

Arrivée à un moment où elle a besoin d’aide, on dirait que tout ce qu’elle a contribué à créer s’effondre. Mesquinerie, comptage administratif, cases à remplir, heures fractionnées. Elle ne cadre nulle part dans ce monde de chipotage paperassier.

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« Réorganisation des services »

Le Centre de jour m’explique qu’il procède à une réorganisation de services (se méfier de cette expression). Marcelle aura accès au Centre une fois par semaine, plutôt que deux. Trop de demandes, trop de besoins, pas assez de.

Je plaide. Je fais la roue. Je me plie en arc vers l’arrière. J’utilise tout mon pouvoir de persuasion. « L’importance de la stimulation pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ». « L’âge de Marcelle. Elle est très jeune. » « Conserver ses acquis. » « Sa bonne forme physique. »

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Rire

Le médecin administre sa routine de tests. Il a demandé à Marcelle de retenir une couleur. Quelques minutes plus tard il lui demande quelle était la couleur à retenir? … silence. Il lui dit, « bleu. La couleur bleue. » Elle rétorque, « De toute façon, j’aime pas ça le bleu. »

Le médecin poursuit, « Est-ce que vous avez des pertes de mémoire? » Elle le regarde, lève les sourcils, dit, « J’oublie, mais j’oublie que j’oublie. »

Nous feuilletons une revue de mode. Sur la couverture, une femme portant un tee shirt neuf, savamment troué. « Hon. Elle a des bouffées de chaleur? »

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La fin des grandes errances

Marcelle a pris du poids. Trois repas par jour et peu de tâches au quotidien. Sa vie a changé. Elle ne fera plus le ménage, l’épicerie, la cuisine, démarrer des semis, rempoter des plantes, emballer des cadeaux … Elle a ses crayons et ses pinceaux sur une table pliante. Des photos de famille et ses cadres au mur. La radio sur le bord de la fenêtre. La télé sur ce qu’on a appelé « le bras canadien », un support extensible. Trois pas séparent le lit de la commode, elle fait vite le tour de son domaine.

Elle a quitté sa cuisine-établi-atelier, sa salle-à-manger-serre-salle-de-couture, son salon-salle-d’exposition, sa chambre-à-coucher-bureau, ses balcons-jardins-lieux-de-rêverie. Chacune des pièces de son appartement servait à plusieurs activités. Maintenant ses activités se tiennent au Centre de jour.

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La résidence privée

Ses messages commencent toujours par « c’est C, de la résidence. Ne vous inquiétez pas, tout va bien. »

Pourquoi s’occuper de personnes âgées? « Ma mère l’a fait avant moi. J’avais choisi autre chose, je faisais beaucoup d’argent. Mais ce qui me rendait heureuse, c’était d’aller voir les vieux chez ma mère, me rendre utile. Changer le bracelet de montre d’une dame, par exemple. Ça leur fait tellement plaisir. Leur reconnaissance est une meilleure paye que l’argent. »

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Où on prétend que c’est la fête -suite

J’ai convenu avec mes frères que la migration aura lieu ce jour-là. Prêts pas prêts on y va.

Tôt le matin je suis chez Marcelle. C’est un bon moment, elle est gaie en début de journée, pleine d’optimisme.

À sa table turquoise, dans sa cuisine blanche et turquoise, nous échangeons. Actualité, humour, complicité. Et, ici et là, je reprends mon refrain à propos de la résidence.

« Environnement de rêve. » « Château. » « Bien entourée. »

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Où on prétend que c’est la fête

« On devrait l’essayer quelques jours. Tenter l’expérience. »

« Tu serais bien entourée. »

« Tu vivras dans un environnement de rêve. C’est comme un château. »

La graine était semée. J’arrosais. Je mettais de l’engrais. Je voulais faire germer l’idée de déménager dans une résidence. Privée. Une maison en pierres, des géraniums au parterre, des chaises en demi-cercle sur le balcon. Une salle à manger avec des nappes, des serviettes de table, des planchers de bois. Une porte d’entrée avec un code de sécurité. « Sécurité », le mot clé.

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